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20 novembre 2014 4 20 /11 /novembre /2014 18:37

Funambule. Funis le fil. Ambulare, se promener, marcher sans but. Le point de départ et celui d'arrivée ne prennent sens que quand la ligne est installée et n'acquierent de valeur que lorsque l'on tente de les relier. Peu importe que l'on marche sur un câble, une corde ou une sangle.

J'ai réfléchi à la théorie de cette traversée. Je me suis considéré comme objet soumis d'une part aux lois universelles de l'attraction, et d'autre part au jeu des forces contraires; celles qui en s'annulant me préservent de la chute. Je peux me représenter mon centre de gravité, le projeter sur la surface plane qui me soutient, et dessiner les flèches imaginaires, vecteurs d'énergies. Ces pensées n'ont pour but que de combler le vide qui me sépare de mon prochain voyage, car seule compte la pratique.

Mon entraînement m'a enseigné les mouvements et l'inertie, les tensions et les contorsions qui me mèneront de l'autre côté, mètre par mètre. Il y a le mouvement de mes bras et de mes jambes qui répartissent les masses, tandis que les ondulations du fil sont le miroir de ma gestuelle, de mes émotions. Mon souffle veille: rien ne se fige.

En tant qu'organisme vivant, je suis en évolution permanente. Chacun des battements de mon coeur, chacune de mes respirations, de mes pensées construisent un état nouveau. Chaque pas en avant est différent du précédent et met en question le suivant.

Le fil à hauteur d'homme n'est qu'un galop d'essai. Surplombant l'abîme, l'esprit, d'abord confondu, s'accoutume. La peur disparaît-elle totalement?. Seuls  les oiseaux maîtrisent la démesure des verticales. Les hauteurs réveillent chez tous les animaux terrestres l'instinct de survie, profondément ancrées dans notre ADN. Le funambule ne fait exception que parce qu'il choisit d'embrasser cette peur, de s'y habituer, d'avancer en sa compagnie.

La phobie du vide s'atténue. Pourtant les émotions me submergent en de nombreuses occasions. La crainte de l'échec, l'espoir de la réussite, une prise de conscience soudaine de ce que je suis en train d'accomplir, disloquent ma concentration. Si mes réflexes me permettent de rester debout, il faudra encore revenir à l'écoute de mon corps, d'un système d'informations qui me porte et ce, autant de fois qu'il le faudra pour conquérir cette ligne.

L'Équilibre est un silence sur lequel aucun appui n'est possible.

Le funambule avance en jouant avec les déséquilibres, toujours plus proche de la voie médiane, sans jamais pouvoir s'y reposer.

Ce texte a été imprimé et exposé à l'exposition Des-Equilibres à la Fête de la Science. Merci à Alex Lena de l'Université Claude Bernard Lyon 1, merci également à Thomas et Laura pour leur aide.

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commentaires

V
<br /> Jolis mots, belles images évoquées. bref bel essai qui donne envie d'aller slacker de ce pas, poser une longue dans une jolie prairie ou monter la haut dans les montagnes ceuillir des frissons.<br /> Merci remy<br />
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M
<br /> Clap clap clap. Tout est dit sur notre passion.<br /> <br /> <br /> Très beau texte, merci !<br />
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